Hello Afrique

Avec Winceslas et Benoît nous avons mis en oeuvre un projet visant à récolter des témoignages sur les sociétés secrètes, l'histoire de Dangbo, les contes... A cette occasion, nous avons été chez le père de Winceslas, Laly Agbissouhon (14/06/2011), chef des Egun à Dangbo et vice-président des Oro de Dogla.

Laly Agbissouhon : C’est moi qui suis le chef des revenants dans la commune de Dangbo, et tout le reste ce n’est que de fausses cérémonies.

Winceslas : Qu’appelle-t-on Eguns ? Quel est leur rôle dans la société ?

L.A : Chez nous ici, chaque région a sa croyance. Dans l’Ouémé, la croyance la plus répandue est celle des Zangbeto. Ce sont eux les plus adorés par la population. Dans la région des Plateaux, les Nagos adorent les Oro, et les Egun sont adorés à Porto-Novo et Savè.

L’origine des Egun est Ouidah. C’est notre ancêtre Oyo Tjébou Odé qui a fait que nous ayons des revenants dans notre famille. Ils protègent la famille contre les mauvais esprits. Si le Egun est bien adoré dans une maison, les enfants ne tomberont pratiquement jamais malades et il n’y aura pas trop de pertes humaines.

Chaque année en septembre il y a une cérémonie, et nous en choisissons la date. Cette cérémonie nécessite des sacrifices, un épervier par exemple. La cérémonie commence au cimetière, et quand le « gan-gan » (l’épervier) est sur la route, on appelle les revenants [NDLR : en sonnant dans des cornes]. Il y aura trois réponses jusqu’à leur arriver.

Personne ne peut dire qu’il connaît la source de cette croyance et que les vrais adeptes sont ceux  qui ont suivi Oyo Ibadan Abé Okuta. Je suis actuellement le chef suprême à Dangbo et dans ma famille. C’est moi qui détient la relique et qui appelle les revenants. On m’appelle Balè et mon grand-frère Alatchè : celui qui prie et mon cousin est Alakpéi : celui qui surveille les nourritures préparées le jour des rituels.

W : Comment fait-on pour entrer dans la société des Egun ? Est-ce ouvert à tout le monde ?

L.A : Avant de connaître Egun, tu dois être membre d'un famille dans laquelle le père ou la mère est un adepte. Si tu n’es pas membre et que tu connais les Egun parce que tu as assisté à une cérémonie funéraire tu ne peux pas entrer dans le couvent. Si tu y entres, ils vont t’en faire sortir en te demandant auprès de quelle relique tu as connu les Egun. Egun est quelque chose où l’on ne triche pas. Si tu triches, tu vas devenir fou.

W. : Qu’elle est la différence entre les Egun, les Oro et les Zangbeto ?

L.A. : Il y a une grande différence. On dit que Oro est le plus sévère, il vit dans la brousse, la jungle [NDLR : entendez forêt]. Egun reste à la maison et Zangbeto sur les place publique où y’a des statues.

Celui qui connaît Oro ne peut pas dire qu’il connaît Egun ou Zangbeto.

Les Zangbeto sont là pour faire peur aux malfaiteurs, à ceux qui insultent à tout va. Quand tu commets un délit, ils vont cirer ton nom nuit et jour et si tu ne payes pas l’amande, tu es mort.

Si tu es de la famille des Egun et qu'un garçon naît, on fait au bout de neuf jours la cérémonie de la sortie dans le couvent des revenants, et pour les filles c’est sept jours. Pour être initié, on doit sacrifier des moutons, coqs et apporter haricots, farine de maïs, sodabi et sucreries.

À la cérémonie de sortie de l’enfant, on ne paye pas beaucoup mais si ce n’est pas fait à ce moment là, tu vas devoir donner beaucoup. On prépare le repas et tout le monde mange bien, même les femmes qui chantent les Egun.

Les Oro sont très sévères. Ils ne portent pas de vêtements et c’est pour cela qu’il habite dans la jungle. Ce sont les rois qui avaient créé Oro afin de faire peur aux délinquants car au temps jadis il n’y avait pas d’État civilisé.

Si quelqu’un fait quelque chose de mal, ils viennent le chercher et l’amènent dans la forêt où ils le frapperont, et s’il y a lieu de le tuer les Oro le tueront. Si le fautif est une femme, les Oro l’emmènent en forêt et la tue, et si elle se cache pour les espionner elle sera violée et tuée. Les Oro sont le danger suprême pour la femme.

S’ils sortent uniquement la nuit c’est parce qu’ils ne portent pas de vêtements. Les Oro ont des cérémonies annuelles rituelles qui ont lieues durant les grandes vacances scolaires.

W : Combien existe-t-il de catégories de Oros ?

L.A. : Il y en a trois :

- Bliguédé : groupe folklorique

- Mandjoun : comme le serpent, il siffle comme lui et s’il rentre quelque part et que tu l’aides, il va te prendre.

- Oro : lui, il reste en forêt et si tu rentres sans remplir les formalités, si t’es une femme, tu seras violée et morte et si tu es un homme, on te demande si tu veux être initié et si la réponse est non, tu seras tué.

Les Oro et les Zangbeto ne s’entendent pas. Les Zangbeto et les Oro, s’ils sortent la nuit en même temps, ils se battent jusqu’à tuer quelqu’un. Cette personne sera enterrée là où elle est morte, sans l’avis de quiconque. Cela s'est passé dans mon village, c'est pour cela que nous n'avons pas de jungle de Oro à Monotokpa.

Quand je vais dans notre jungle, je suis le vice président. Si tu veux adhérer à notre société et que je ne suis pas au courant, les initiés te mèneront à moi. Si je ne suis pas favorable à ton entrée, on ne t’accepte pas, car nous n'avons pas besoin de personnes malsaines.

Afton Joseph (Bamisé) représente son quartier dans la jungle et n'est pas très disponible. C'est à cause de personnes de mauvaises intentions que les Oro de Dangbo n'ont pas pu avoir une partie de jungle. Du coup, ils ont dû aller à Dogla (Fingninkanonè).

W : Voit-on des Oros dans la journée ?

L.A. : Ceux que l'on peut voir sont les Bavi, les petits Oro, les novices, qui s'habillent avec des feuilles. Les vrais Oro se retrouvent dans la forêt. Au cours de leur cérémonie, ils prennent une journée et ferme la voie pour que personne ne rentre ni ne sorte. Si un homme sort, il est mort, et si c'est une femme, elle est violée puis tuée. Si on triche, c'est-à-dire que l'on se cache pour les regarder, on devient fou. Ce n'est qu'un jour par an.

 Le vrai Oro ne sort pas le jour mais on peut entendre sa voix dans la jungle. Il sort la nuit. Si les Oro sortent pendant la journée et que tu les vois, ils vont se saisir de toi. Il est interdit de les voir.

 Au temps jadis, la manière dont les rois géraient leurs affaires était différente d'aujourd'hui car le gouvernement s'y infiltre en instituant des lois.

 Si les Oro voient les enfants de leurs ennemis, ils les tuent, leur coupe la tête, la jettent dans la brousse et enterre le corps, ou ils enterrent le corps debout ou encore attachent l'enfant jusqu'à ce qu'il meurt et pourrisse. C'est à cause de ces lois violentes que le gouvernement s'est introduit dans nos sociétés secrètes en promulguant des lois contre ces malfaiteurs.

Le gouvernement rend alors plus humaines ces sociétés dont les rois et la population respectent les lois. Si une majorité de la population respecte les lois des Oro, il n' aura alors pas ou très peu de mauvaises gens.

Au cours de certaines cérémonies, un novice est choisi pour ébrancher un arbre de haut en bas. Mais, il arrive qu'un malfaiteur vienne pour ensorceler l'arbre, le faisant grandir et grossir jusqu'à ce que le novice ne puisse plus ni descendre ni monter et reste coller à l'arbre. Le chef du culte va alors tout faire pour contrer ce sort. En cas d'échec, il convient d'appeler le père du novice qui sera chargé de tuer son enfant. En effet, le jeune ne peut pas rester sur l'arbre jusqu'au levé du jour car les villageois vont le voir, et s'il reste en vie, les Oro ne peuvent pas courir le risque qu'il révèle leurs secrets.

Lorsque l'enfant se retrouve coincé, le Fâ est immédiatement consulté. L'arbre ne redeviendra normal qu'au moment où le père tirera sur son enfant qui tombera mort. Il sera alors enterré sur place. Cela arrive aux novices de mauvaise foie, et c'est pour cela que nous n'acceptons pas ce genre de personnes.

Un pacte est instauré pour lié les novices (envoyé au couvent pendant au moins 3 mois) à la société secrète. Il y a des formalités à remplir pour tous, mais s'il y a des chouchous, ils seront châtiés.

On appelle les Oro les vauduns de la brousse.

Au centre Laly Agbissouhon