Hello Afrique

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Les facteurs qui freinent le développement

Au cours de ces huit mois en pleine Afrique, j’ai remarqué plusieurs facteurs qui représentent un frein au développement.

Le premier est évidemment l’État béninois. Pourquoi ? Parce que d’après moi il entretient l’image idyllique de l’Occident. Rien n’est fait pour montrer la pauvreté de nos pays.

La télévision nous montre les guerres et les violences du monde, mais jamais la misère en Occident. Les séries télévisées, sud-américaines, philippiennes, indiennes et même françaises, ont toujours lieu dans des beaux quartiers avec des personnages riches. Tout cela contribue à l’image de l’étranger riche et qui viendra sauver le pays.

Quand on tente d’expliquer que la pauvreté existe aussi chez nous, les personnes ne nous croient pas ou ont beaucoup de mal à l’accepter. De ce fait, ils restent dépendants des blancs dans tous leurs projets : pour construire un échangeur à Cotonou, une partie était financée par les chinois qui mettaient à disposition leurs ouvriers, et le reste devait être payé par l’État béninois. Les chinois, ayant fini leur partie du contrat sont partis, et les béninois, sans moyens financiers pour continuer les travaux, ont construit une pente en terre rouge qu’ils vont recouvrir par la suite de plusieurs couche de graviers. Ce sont les motos et les voitures, qui en roulant, enfoncent les graviers dans le sol, et cela forme un revêtement plus ou moins équivalent au goudron. Ils ne se prennent pas en mains.

Ensuite, comme partout, il y a la corruption qui gangrène les institutions. Pour beaucoup de choses il faut payer ou connaître quelqu’un qui fait de la politique. Par exemple, pour faire douanier, peu de candidats y parviennent par leurs propres moyens. En général il faut glisser un billet ou avoir des relations. Comment les douaniers nouveaux venus peuvent être honnêtes ?
J’ai pu remarquer aussi, qu’avant les élections présidentielles, les policiers à Porto-Novo, nous arrêtaient systématiquement dès que nous montions à deux sur un zem. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Ils sont toujours là, mais ils n’arrêtent plus personne. C’est la séduction des populations pour recueillir le plus de voix possible. Ici, les hommes politique promettent tout à tout le monde mais ne font en réalité pas grand-chose. Manque de moyens ou de volonté ?

Il y a une différenciation marquée entre le Nord et le Sud du Bénin. Comme le président vient du nord du pays, il ne fera rien de bon pour le sud, et les habitants du sud ont tous voté pour le candidat de leur région. Ils sont donc de mauvaises fois et tout ce qui sera fait sera mauvais. Par exemple, à mon arrivée, la route de Porto-Novo à Dangbo était une piste, aujourd’hui, ils ont fait une route. Et bien, les habitants de Dangbo ne sont pas contents. On me dit qu’il y a plus de morts et que c’est de la faute au président ! De toute façon s’il n’y avait pas eu de route, ils n’auraient pas été satisfaits. Dans les deux cas le président aurait fait un faux pas. Et ce juste parce qu’il vient du nord ! Comment un pays, divisé intérieurement, peut-il se développer correctement ? Les gens du nord qui viennent habiter au sud sont rejetés ! Ma famille d’accueil vient du nord, on les appelle kaïkaï, qui veut dire éleveur, et c’est une insulte. Il n’y a pas de solidarité ni d’entre-aide, ça se voit déjà au niveau de l’école, ils n’ont pas l’idée de travailler ensembles, solidarité nulle : un meunier a été très grièvement brûlé et sous prétexte qu’ils n’avaient pas les moyens de le soigner, l’hôpital l’a jeté, nu, dehors. Le brûlé est mort à Cotonou. Les médecins ici n’ont aucune éthique, aucune humanité. Ils laissent mourir des gens dans les hôpitaux quand ils font grève. Et, en plus, ils ne sont pas punis ! Comment un pays peut-il se développer quand c’est chacun pour soi ?

Les béninois, ou du moins, ceux de mon village, sont égoïstes, et je le vérifie tous les jours. Ils sont incapables de partager quelque chose. Jamais les enfants ne vont se prêter leurs jouets, ou même les livres à la bibliothèque. Alors on en vient tout de suite à la violence.
La violence, parlons-en. Comment un pays peut-il se développer lorsque la population fait elle-même la justice ? Quand elle brûle vifs les voleurs ? Quand, parce qu’une femme à l’apparence misérable et aux propos incohérents, est jugée sorcière, la population veut la tuer ?

Dans ce cas, la religion est-elle une solution, un moyen pour apaiser la société ? Je ne pense pas. La religion est un frein au développement. Où sont les valeurs de la Bible, charité, entre-aide, partage, amour ? Dans la vie de tous les jours, nulle part. Comment la religion peut-elle aider la population quand on les voit soumis à elle ? Quand j’entends « si Dieu le veut je pourrais faire ça… », ou que c’est Dieu qui choisit le destin des gens, que si une personne change d’avis sur son projet professionnel, c’est Dieu qui le lui a dit. Comment la religion peut-elle aider un pays quand tout repose sur Dieu, quand ils ne sont pas capables de se prendre en main ? Marx a dit « La religion est l’opium du peuple », ici ils sont drogués à ça. Tout au long de la journée ils chantent des chants de messe, certains vont trois fois par jour à l’église. A Cotonou, il y’a une église où la messe a lieu toutes les heures !
J’ai appris, qu’ici, les explications du texte sacré sont appelées « opium ». La religion en Afrique, tout du moins au Bénin, prend des aspects de secte. Ils sont tellement en admiration devant Dieu qu’ils ne remettront jamais en question le discours d’un prêtre. On a montré, à l’occasion de Pâques, une femme béninoise qui avait les stigmates du Christ. Tous les jours ont la voyait à la télévision, c’était comme si elle était la fierté de la Nation. A la maison, il fallait absolument se taire quand on la voyait à l’écran. Comment est-ce qu’un pays se développer quand tout est décidé par Dieu ? Quand ils acceptent leur condition car c’est Dieu qui l’a voulu ? C’est un peu comme en Inde avec les castes.

Ils se disent croyants mais, comme je l’ai dit plus haut, les valeurs universelles ne sont pas mises en pratique. Comment peut-on faire de la femme une esclave ? Comment peut-on la considérée comme un objet et rien d’autre ? Le développement du Bénin viendra des femmes. Beaucoup de jeunes filles de Dangbo, dans leur discours, ne veulent pas être soumises comme leur mère. Victoire, ma maman béninoise, devait faire des études d’infirmière, elle était inscrite. Trois mois passent sans nouvelles, elle appelle, et on lui dit que son mari a annulé son inscription. La garder à la maison, sous son autorité. Et pourtant, c’est un fervent catholique… La religion est pratiquée d’une façon tellement extrême qu’elle ne peut pas être bénéfique à la population.

Depuis que je suis ici, je n’ai entendu qu’une personne me parler d’amour maternel et paternel. On ne considère pas les filles comme des enfants : « on n’a pas d’enfant tant qu’on n’a pas de garçon », une fille n’existe que pour travailler. Si une maman a trois filles et qu’elle accouche d’un garçon, on l’appellera « maman Landry » (du nom du premier fils né). Les filles, les femmes, changeront le Bénin. Chez nous, les femmes se sont battues pour leurs droits. Si nous ne l’avions pas fait, on en serait où maintenant ?

Et l’éducation nationale ? Chez nous, on nous apprend à avoir l’esprit critique, à vérifier ses informations. Le programme béninois est intéressent puisqu’il se base sur les recherches personnelles des élèves. Mais, quand on demande une recherche sur un auteur, aucun ne fera le lien avec le cours. L’éducation nationale ne leur a jamais donné une technique pour chercher les informations dans un texte et les analyser. Ils se contentent d’un copié-collé. C’est la même chose quand ils parlent, ils vont sortir des théories philosophiques, des citations, apprises en cours, sans les remettre dans le contexte actuel.
Aucune réflexion personnelle. Je travaille avec des élèves sur un exposé sur le livre l’Esclave de Félix Couchoro. J’ai donc lu le livre et je les ai aidés à trouver les thèmes principaux et secondaires. Quand j’ai lu leur exposé, ils n’ont fait que constater, aucune analyse.

Parlons de la peur à présent. Elle fait faire n’importe quoi aux gens. Il y a quelques jours, un matin vers 6h, mon papa béninois a trouvé une vieille femme qui dormait dehors devant le portail de la maison. La femme est pauvre, habillée en noir, les cheveux blancs et d’apparence pas vraiment propre. Tout de suite, ils sont venus me réveiller, il fallait la prendre en photo, cette femme est une sorcière. Pourquoi ? Elle aurait dit qu’elles étaient plusieurs et que ses compagnes l’ont laissée ici. Elle aurait dit qu’elle était venue aider les malades de l’auberge. Elle aurait dit qu’elle ne se souvenait pas d’où elle venait. Tout cela fait de cette femme une sorcière. En fait, ils ont peur parce que cette femme est pauvre et qu’elle a les cheveux blancs. La voisine lui a dit que si elle avait été dans un autre village on l’aurait tué. La vieille femme a répondu : « Tuez-moi ». Je pense que ça aurait pu se passer si quelqu’un n’était pas intervenu en disant qu’on n’avait aucune preuve de ses pratiques.
Cette femme est aussi sorcière car pour partir elle voulait passer par la brousse et non par la route ; on l’y a contrainte. Quand ils sont allés vérifier qu’elle avait bien emprunté ce chemin, elle avait disparu : c’est donc bien une sorcière.
La photo, j’ai dû la montrer à tous les gens qui sont venus à la maison. Mon responsable est arrivé, j’ai montré la photo. Et là, il m’a dit de la lui mettre sur clé et qu’il allait la tirer. Moi je lui ai demandé à quoi ça servait de donner l’image de cette femme en spectacle, il m’a répondu que c’est pour des archives, je lui ai dit qu’on avait aucune preuve et que je le ferais pas. J’étais outrée et je le suis toujours.
En plus, il a confirmé avec un tel aplomb qu’elle était sorcière alors qu’il ne l’a même pas vu en vrai. Comme il est le « doyen », tout le monde a dit amen à ces propos, la dame est donc condamnée comme sorcière.
Pendant la révolution béninoise, ils ont tué des gens sur les mêmes critères. Et personne n’a eu l’idée de croire qu’elle était simplement une pauvre femme. La peur des gens.

Mais il y a aussi la chicotte, et ça marche très bien ! Au centre d’accueil et de formation professionnel c’est à la menace qu’on fait travailler les employés : le tailleur n’est pas venu pendant une journée et demie, alors on l’a menacé de retenir ce temps perdu sur sa paye s’il ne le rattrapait pas. Tout marche comme ça.
Comment un pays peut-il se développer quand menace et violence sont omniprésentes ?

Enfin, et comme dans tous les pays en voie de développement, il y a le phénomène de fuite des cerveaux.



15/05/2011
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