Hello Afrique

Parlons d’abord des différentes langues. Les enfants apprennent le français à la maternelle puisque tous ne connaissent que leur langue maternelle. Dans les classes supérieures, entre eux, les élèves parlent en fon. Je l’ai remarqué à la bibliothèque, aucun ne parle en français quand ils doivent échanger entre eux. Même pour expliquer des exercices ils parlent fon, d’où les difficultés qu’ils ont pour écrire et parler français correctement.

Martial, un professeur de français qui vient souvent à la bibliothèque pour travailler sur son mémoire de Master, me disait qu’il avait fait l’école du séminaire avant de devenir professeur. Dans son école le fon était interdit. Aujourd’hui, il n’arrive même plus à suivre et à tenir une conversation sérieuse dans sa langue natale. Il a perdu une partie de son identité. Alors oui, tous disent que le problème des enfants c’est qu’ils parlent leur langue à la maison et entre eux, mais les obliger à parler français c’est leur enlever une partie d’eux-mêmes. J’ai changé d’avis sur la pratique de la langue. C’est aux professeurs de faire correctement leur travail.

J’ai fait pour la première l’expérience des lacunes des professeurs dans leur enseignement lors de la finale du concours de lecture que nous avions organisé. Nous leur avons posé des questions sur leur texte ; certes certaines étaient difficiles, mais rares sont les élèves qui ont su y répondre correctement. Ils n’ont pas le réflexe dictionnaire alors qu’il y en a à la bibliothèque. Seules les terminales ont compris leur texte ! Les autres ont lu leur texte sans savoir de quoi il parlait. J’avoue être tombée de haut. Comment leur dire l’importance de comprendre un texte ? Sachant que l’on peu devenir maître avec seulement le BEPC !

Quand je disais en France que j’allais en Afrique pour travailler dans une bibliothèque avec les enfants, tous m’ont dit : « Tu verras, ils ont envie d’apprendre ! ». Et bien ils devraient venir constater par eux-mêmes que c’est faux. Un groupe de six élèves de 6^è sont venus à la bibliothèque, et un seul a sortit son cahier pour étudier. Comme les autres le regardaient, je leur ai dit que je les interrogerais tous sur la conjugaison du verbe aller au passé composé. Ils en furent incapables (sauf celui qui avait amené son cahier). Ils ne savaient même pas conjuguer l’auxiliaire être au présent. Alors pour les aider je leur ai dit d’écrire avant de me réciter. Lorsqu’ils m’ont donné leur feuille avant de partir j’ai halluciné. Je leur avais demandé de m’épeler seulement l’auxiliaire, j’aurais dû leur demander le participe passé ! J’étais peinée de voir leurs visages quand j’haussais le ton pour les secouer un peu, pour leur montrer à quel point c’est important s’ils veulent parler et se faire comprendre correctement. Mais je ne sais pas comment faire, c’est fatiguant de tirer les vers du nez des enfants.

Comment faire pour leur donner goût à l’école ? Est-ce le rôle de la bibliothèque de s’investir et de les motiver ? Comment faire pour lutter contre l’illettrisme quand on sait que pour les professeurs une personne qui sait lire est quelqu’un qui reconnaît quelques mots dans un texte ?

Et puis il y a les filles. Je le vois bien à la fréquentation de la bibliothèque, elles sont rares, ou alors elles sont au lycée. Je le vois bien à la maison avec Firmine et Élysée. Lorsqu’elles rentrent de l’école, elles se changent, mangent et vont directement aider « maman » à la cuisine. Elles font le ménage, la vaisselle et la cuisine. Et après le dîner, une fois qu’elles ont tout rangé, elles peuvent apprendre leurs leçons. Il est en général 20h30-21h. En sachant qu’elles se lèvent le matin à 5h30 6h pour aussi faire la vaisselle de la vieille et balayer la courre et qu’à 7h30 elles doivent être parties à l’école, il n’est pas étonnant que le soir elles soient beaucoup trop fatiguées pour apprendre leurs leçons. Il y a quelques jours j’ai fait travailler Élysée, elle devait apprendre à compter jusqu’à 20. 1h30 ça a duré. C’est tellement lent. Je n’arrive même pas à le transmettre par écrit. Il faut énormément de patience, et je comprends pourquoi les parents et professeurs tapent si facilement. Elle avait peur que je la frappe dès que j’haussais le ton. Comment peut-on faire travailler des enfants qui ont peur ? Comment un enfant peut aimer l’école lorsqu’il apprend ses leçon par peur du professeur ? puis changer la place des enfants dans ma famille d’accueil pour qu’elles travaillent mieux ? Élysée est en CP et ne parle pas français ! Il y a tellement à faire et nous avons si peu de moyens. Par moment ça me décourage de voir ces élèves si peu motivé et souvent frappés pour rien. Et puis pas étonnants qu’ils aient un si bas niveau quand on voit que pour devenir instituteur le brevet suffit !

Les élèves sont fainéants du cerveau ! Wenceslas est arrivé à la bibliothèque pour que je l’aide sur un exercice de français. Il fallait, qu’à partir d’un texte d’Aimée Césaire sur l’esclavage, il élabore l’introduction, un plan détaillé et une conclusion.

Je lui ai expliqué trois fois comment faire une introduction. Je lui ai dis que tout est dans le texte et qu’il n’a qu’à y puiser les informations et les analyser avec ce qu’il a appris à l’école. Et ben rien, aucune réflexion n’ai sortie. Finalement c’est moi qui ai dû tout lui dire.

Pareil pour les enfants et les exercices de logique. Ils ne réfléchissent pas par eux-mêmes, il faut tout leur dire. Je pense que c’est dû au contexte familial puisque certains d’entre eux travaillent bien et ont des parents derrière eux. Mais certains qui ont un bon contexte d’apprentissage posent des questions à deux centimes !!!

Il y en a d’autres, ou ils sont fondamentalement imbéciles ou ils le font exprès, qui posent des questions à dormir debout. Du style : « Est-ce que le Bénin est un pays pauvre ? » « Paris c’est la capitale de la France ? » « London c’est en France ? » « Vous parlez français en France ? »… Que des questions de ce genre. En plus ils demandent « C’est la France ou l’Allemagne qui a gagné la Seconde guerre mondiale ? » Avec Marion on se demande vraiment ce qu’ils apprennent à l’école.